Un instant de bonheur, dans leur malheur

Mokka nous conte une anecdote dont elle s'est souvenue en voyant Pondichéry.

J'ai un patient à l'hôpital, originaire de Pondichéry, ancien policier (il a la tête, on l'imagine bien en uniforme indien dans la rue), vivant en France depuis un moment, ne parlant pas bien le français mais se débrouillant. Je le vois tous les jours dans sa chambre et on communique. Il est assez entamé à cause d'un alcoolisme durant depuis de longues années. Il est bien entouré, sa femme est handicapée mais ses enfants viennent le voir le soir. Voilà.


On m'appelle pour un autre patient, jeune, 35 ans, Sri Lankais, passé par les urgences pour alcool aussi. Il ne parle qu'anglais, pas de souci pour moi. Il me dit qu'il veut aller chercher sa femme à Madras dans deux semaines et la ramener ici. Et ça fait 'clic' dans ma tête.


Vu que je suis assez prise par le temps, j'ai tellement de patients à voir aussi je lui demande s'il parle bien le tamoul. Et que parlent-ils à Pondy... [Madras, aujourd'hui Chennai, est au Tamil Nadu et Pondichéry devenu Puducherry est une enclave dans cet État]. Je les ai mis dans le couloir ensemble, sur des fauteuils confortables et je leur ai dit : vous parlez 'alcool', vous ne vous racontez pas votre vie ! 
Une heure plus tard, ils étaient toujours en train de discuter de leur problème, contents tous les deux, malgré les barrières entre l'Inde et le Sri Lanka et les nuances d'accents.
Un détail m'a touchée. Au bout d'un moment, ils n'étaient plus dans le couloir une famille occupait les fauteuils. Je les ai retrouvés dans la chambre du Sri Lankais. Ils m'ont dit : Ah, la famille parlait la même langue que nous et on ne voulait pas qu'ils nous comprennent.

Le 1er groupe d’entraide tamoul est créé, je réfléchis d'ailleurs si je peux le dupliquer.
C'est une belle histoire, non ? J'ai souri toute seule.
[Les photos illustrant ce message ont été prises au Tamil Nadu en 1992]

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